jeudi 9 octobre 2014

Profil bas.

Le 11 septembre est un jour tout particulier au Chili. En effet, le sombre anniversaire qui se fête ici n'est pas le même que dans le reste du monde, bien qu'il soit dans la même veine tragique. Et pour cause, le 11 septembre 1973, c'est le palais présidentiel de La Moneda qui était bombardé lors du coup d'État du général Augusto Pinochet, qui avec l'appui des États-Unis restera au pouvoir pendant 16 ans au cours desquels 300 000 personnes seront arrêtées, 15 000 torturées et 3 500 exécutées. Le président d'alors, Salvador Allende, se suicidera dans le bâtiment après une ultime allocution.



Cette période de l'histoire chilienne reste encore profondément ancrée dans la mémoire du pays et divise la société. Chaque 11 septembre est un rappel de ce coup d'État et de la période sombre qui l'a suivi. Ce jour-là, le Chili tout entier est pris d'un réel trouble. Les entreprises libèrent leurs employés plus tôt et ceux-ci rentrent et restent chez eux pour la soirée ; les magasins ferment. Pour une fois, les rues en bas de chez moi sont vides et je vais dormir en paix ! L'ambiance est lourde et donne lieu à des rassemblements de partisans de Pinochet (oui, 8 ans après sa mort) qui se bagarrent avec les forces de l'ordre pendant la nuit.


Au petit matin, le bilan est d'une voiture de particulier et d'un bus de Transantiago incendiés. Ha, ha. Ha, ha ha ha ha. Je ris doucement. Que les Chiliens viennent à Grenoble, on leur apprendra à faire des émeutes : chez nous, deux véhicules incendiés ça ne passe même pas dans les faits divers de la presse locale...

Rendez-vous dans quelque temps (pas trop, promis) pour des articles plus joyeux ! En attendant vous pouvez vous remonter le moral tout en restant dans le thème avec la suite, en français s'il vous plaît.




mardi 23 septembre 2014

Les 24 heures d'IKEA.

Mardi matin 9 septembre (hum...), nouvelle journée normale au boulot. Mails, petit thé. À 11h30, Augustin, mon (grand) maître de stage, débarque dans mon bureau. Enfin, manière de parler : il passe dans le couloir, quoi, car c'est là, en face des imprimantes, qu'est situé mon poste, à côté de celui d'un autre stagiaire, Abdel.

"Les gars, j'ai une petite mission pour vous. Vous êtes dispos ? 25 minutes."

Et comment donc, Houston. Déjà, c'est bienvenu de pouvoir se décoller de son ordi 25 minutes, et puis il faut quand même se faire bien voir par son chef, quoi. Rendez-vous derechef en salle de réunion.


"Voilà, on a reçu un meuble. Il est tout en pièces détachées, il va falloir le construire, alors on s'est dit que ce serait un super travail pour les stagiaires. Non ?"

Ma foi, je n'ai rien contre. Un petit peu de travail manuel, cela remplit d'allégresse. Mais par contre, "C'est sensé être quoi comme meuble ? Ça a un sens, une forme, un objectif ? Parce que là il y a que des planches.
- Ah, euh, oui, c'est une commode. Tenez, là, vous avez un mode d'emploi."

Non, pas d'autre page. Non, pas d'autre mot non plus.
Okkk... Ben je comprends pourquoi ils ont recruté un ingénieur. Abdel ne paraît pas très enthousiaste ; de mon côté, il ne sera pas dit qu'un meuble, même fabriqué par je ne sais quel haïtiano-sud-soudanais qui ne savait pas lire ou écrire, ne peut pas être monté par le Ju. La tâche s'annonce cependant rude et le temps de faire l'inventaire des pièces présentes et de comprendre ce qui va où - car ce n'est pas comme si les numéros du mode d'emploi apparaissaient sur les pièces - les 25 minutes promises sont déjà écoulées.


Première conclusion : il nous faut une visseuse. La Chambre possède une boîte à outil avec quelques tournevis, mais les trous ne sont que pré-dessinés et clairement, au vu de nombre de vis que l'on va devoir enfiler, il est hors de question de tout faire à la main si l'on veut avoir fini avant demain. Après un petit tour de prospection dans les bureaux voisins, une expédition visseuse est décidée.

Augustin, Abdel et moi-même nous dirigeons vers un petit magasin de bricolage non loin de là. Le genre d'enseigne typique de la ville : un long local de deux mètres cinquante de large coupés en deux par le comptoir. Le service est à la chilienne : deux vendeurs sont en service, et après vingt minutes de queue (il y avait bien deux clients avant nous) nous comprenons un peu plus le pourquoi du comment d'une telle lenteur. Notre vendeur doit aller à un bout du magasin pour aller chercher ce que nous lui demandons. Problème : il doit croiser son collègue. Et puis bon, son espace n'est pas bien large : seulement un mètre. Alors il s'arrête le temps que l'autre vendeur finisse sa discussion avec son client, sous notre regard ahuri. Deux minutes plus tard, il nous ramène une visseuse. Manuelle. Nous rebroussons chemin mais pas question de se laisser gagner par le dépit.

Un quart d'heure de marche plus tard, nous rejoignons le Costanera Center, un centre commercial géant situé au pied de la tour du même nom, dans lequel j'étais déjà allé lors de mon premier weekend à Santiago. Du haut de ses 300 mètres, la Torre Costanera (parfois surnommée par les Santiaguinos el Pene Gigante, dont je laisserai les plus aventureux d'entre vous chercher la traduction), est le seul gratte-ciel de Santiago.

C'est aussi la tour la plus haute d'Amérique du Sud, dans la région la plus sismique d'Amérique du Sud.
C'est des oufs, ces Chiliens, je vous dis.
Au moins, ici, les magasins de bricolages, c'est pas de la rigolade. Devant le choix de visseuses, bien électriques cette fois, qui nous est présenté, nous demandons conseil au vendeur. "Ah, moi, je vous conseille celle-ci, c'est le meilleur modèle." Ah ben tiens, et pis c'est le plus cher en plus. "Mais vous auriez pas quelque chose de pas trop cher sinon ? - Ah celui-là peut vous aller." Le modèle le moins cher. Ah ben merci !

Je fais appel à quelques lointains souvenirs d'ingénierie pour me rappeler ce que sont les N.m et nous finalisons notre choix tous seuls comme des grands. Nous mangeons au restau pour fêter ce succès, mais avec Abdel seulement, Augustin ayant un rendez-vous ailleurs. Il y a justement une enseigne qui fait des formules pas très chères à proximité et nous nous y rendons. Les formules ne sont par contre disponible qu'en terrasse. Budget de stagiaire oblige, nous nous asseyons dehors et dégustons dans le froid un déjeuner frugal mais honnête pour son prix.

L'après-midi, retour aux affaires. Munis de notre arme fatale, enfoncer toutes ces vis est un jeu d'enfant. Tiroirs, poignées, glissières, rien ne nous résiste, et c'est même plutôt ludique.

Chaque nouvelle étape est une victoire.
L'après-midi avance et le meuble aussi. La secrétaire est affolée de l'état de la salle sachant qu'une réunion doit s'y tenir le lendemain à 12h30. Ah, mais ne voit-elle pas que le meuble sera fini avant même ce soir ? Quoique, finalement, nous n'aurons pas tant de marge que ça. Mais voilà, la fin de la journée de travail arrive et tout est monté : le corps du meuble, les glissières sur celui-ci, et les quatre tiroirs. Enfin ! La victoire nous tend les bras !

C'est non sans contentement que nous enfilons le tiroir dans son réceptacle ; il n'y a plus qu'à fixer les glissières sur les tiroirs. Oui mais voilà : ceux-ci ne rentrent pas. Non, impossible de les fermer, il manque cinq centimètres.


Mais comment cela est-il possible ? Les glissières peuvent-elles être si absurdement conçues qu'il est impossible de fermer le tiroir à fond ? Il paraîtrait ; effectivement quelle que soit la manière de positionner ces dernières vis-à-vis du meuble ou des tiroirs, il est impossible d'y faire coïncider les trous pour la fixer et de pouvoir en même temps faire rentrer le tiroir au fond du meuble. Damned, il va falloir trouver une solution à l'arrache pour faire fonctionner tout ça. Probablement percer de nouveaux trous nous-mêmes... Mais certainement pas aujourd'hui, puisqu'il est déjà tard, que tout le monde s'en est allé, et que même Abdel semble capituler devant le manque de solution. Et surtout que la batterie de la visseuse est maintenant particulièrement à la peine, galère pour creuser des trous pré-percés, alors pour en faire de nouveaux... Je décide que la nuit porte conseil.

À la fin de la journée, le meuble n'est donc pas monté.

Ce n'est donc pas une journée professionnellement satisfaisante.
Ah, la nuit fut longue et l'échec difficile à supporter. Mais le lendemain, je ré-attaque derechef. Étant arrivé plus tôt que mon compagnon de menuiserie, je réalise un examen approfondi de la situation. De mon œil reposé, je m'aperçois que tous les tiroirs n'ont pas les mêmes trous. Eurêka, comme dirait l'autre ! En fait, ces fourbes de côtés des tiroirs avaient un sens, il n'était pas possible de les utiliser indifféremment. Le truc très possible à concevoir quand on commençait à monter le tiroir... Bref, pris d'un élan nouveau, je me relance dans le chantier, tout en sachant que la réunion va finir par approcher et que cette fois aucun délai nuptial supplémentaire ne sera permis.

Quand à 10 heures Abdel arrive, tous les tiroirs sont retapés. Nous faisons des tests et les tiroirs s'accordent parfaitement avec les trous des glissières et peuvent fermer à fond. Plus qu'à visser les tiroirs... Un grand merci donc à la femme de ménage qui en passant hier soir a jugé opportun de débrancher notre chargeur de batterie ! Après un peu d'huile de coude et plus de temps que prévu, les tiroirs sont fixés, le meuble est dressé, déplacé, et la salle de réunion rangée alors qu'il n'est même pas midi...

Si ça c'est pas de la mission accomplie.
En tout cas, même la presque sympathique secrétaire de la Chambre en a retrouvé le sourire. Je n'obtiendrai malheureusement pas ma photo avec elle mais elle récitait ¡Estupendo! sur ¡Estupendo! (= "génial", "fantastique") (ce mot m'amuse beaucoup) et il va sans dire que je me la suis mise dans la poche pour les semaines à venir.

Enfin, nous pouvons nous remettre au travail. Et ce n'est pas peu dire qu'il y en a qui nous attend :

Des journaux sont arrivés à la Chambre et il y a un supplément au centre qu'il faut retirer avant de pouvoir les mettre sur les présentoirs...
Ah la la. Et moi qui après trois coups de tournevis me retrouve avec une ampoule au milieu de la paume. Nan mais, je vais me mettre en arrêt de travail, je vous jure.

samedi 6 septembre 2014

Colo loco.

Ah mes pauvres lecteurs, que suis-je cruel avec vous. Moi qui vous ai abreuvé de superbes articles à un rythme soutenu pendant cinq jours pour ensuite mieux vous lâcher lâchement pendant plus d'une semaine. La culpabilité me ronge et je m'en vais de ce pas nourrir le peuple affamé.


Vous n'êtes bien sûr pas sans avoir suivi le match entre la France et l'Espagne jeudi dernier, couronné par une belle victoire bleue. En cette période de trêve internationale du championnat, nous allons donc parler football.

Attention, le futból, c'est du serious business ici au Chili. Nous sommes en Amérique latine et on aura beau dire que nous autres Européens sommes passionnés par le football, j'ose affirmer que nous avons encore quelques caps à franchir en termes de passion. Ici, le foot n'est pas seulement le sport numéro 1 : il n'existe tout simplement aucun autre sport qui lui arrive à l'epsilon de l'ombre d'un début d'embryon de cheville.

Ensemble donc, chers lecteurs, nous allons parcourir les méandres de ce championnat aussi absurde que la forme du Chili elle-même. La 1ère division est composée de 18 équipes, desquelles 7 sont de Santiago, ce qui correspond effectivement à la proportion démographique de la ville par rapport au pays. Du coup, elles portent des noms bien plus folkloriques que des noms de ville : on trouve O'Higgins qui est the général libérateur du Chili, Magellan, du nom de l'explorateur, ou encore le Palestino, représentant d'une assez forte communauté palestinienne au Chili. Colo-Colo est l'équipe la plus forte ; elle a remporté le championnat pas moins de 30 fois depuis sa création il y a quatre-vingts ans (je sais pas vous mais il m'avait semblé avoir appris "quatre vingts" sans tiret à l'école) et est la seule équipe chilienne à avoir remporté la Copa Libertadores qui est l'équivalent latino-américain de la Ligue de Champions. Jean-Baptiste, si tu lis ces lignes...

Forcément, avec tant de titres ça finit par devenir galère pour le logo.
(avant toute remarque : non, je n'ai pas trouvé le logo avec les 30 étoiles)
Mais attention, au Chili, comme dans la plupart des pays d'Amérique latine, on ne décerne non pas un mais deux titres de champion par an : en gros, les matchs aller constituent un tournoi à part entière à l'issue duquel un premier titre est décerné, et les matchs retour en constituent un autre. Mais ça, ce n'est que depuis 2002, avant le Chili ne consacrait qu'un seul champion par an, sauf en cette année 1997 aussi mystérieuse que les fautes de frappe, d'orthographe et de conjugaison qui disparaissent de mon blog, et lors de laquelle deux tournois avaient déjà été joués. Cependant, en 2010, le Chili s'étant pris un séisme particulièrement bourrin, le championnat avait été remodelé et avait pris la forme d'un seul tournoi. Mais aussi, en 2013 a eu lieu un tournoi de transition d'une demi-saison pour que le calendrier du football chilien se cale sur l'européen, c'est-à-dire que le championnat d'ouverture démarre en même temps que les saisons européennes. En 2015, se joueront donc le tournoi de clôture 2015, puis le tournoi d'ouverture 2015. Vous me suivez toujours ? J'espère bien parce que c'est loin d'être fini.

Bref Colo-Colo a remporté 30 titres en championnat sur les 94 qui ont été attribués durant les 81 saisons disputées. En gros, la moitié du Chili supporte Colo-Colo. Le club était plus ou moins lié aux classes populaires. Les autres se répartissent sur l'Universidad de Chile (16 titres), l'Universidad Católica (10), deux autres équipes de Santiago, et Cobreloa (8) qui est l'équipe de San Pedro de Atacama et fédère les supporters de province. Mon coloc Mula est supporter de l'Universidad Católica, non pas pour être allé à l'université éponyme mais pour une autre raison qui m'échappe. L'Universidad Católica fait figure d'équipe un peu cuica, c'est-à-dire de bourge, car l'université en question a des droits d'entrée très élevés (comme beaucoup d'établissements d'enseignement supérieur au Chili) et n'est donc accessible qu'aux classes aisées, ce qui transparaît sur ses supporters.

Avec ce système de demi-saisons, les qualifications pour les coupes continentales sont échelonnées. De fait, celui qui reporte le tournoi d'ouverture gagne une place pour la Copa Libertadores. Ceux classés de deuxième à cinquième disputent des play-off, le gagnant va aussi en Libertadores, et le finaliste gagne une place en Copa Sudamericana, la deuxième coupe continentale, l'équivalent de notre Ligue Europa. Là où ça devient rigolo, c'est que les deux compétitions ne se déroulent pas en même temps : la Libertadores se déroule pendant le premier semestre de l'année (donc la fin de la saison) et la Sudamericana à la fin de l'année. Donc le qualifié pour cette dernière à l'issue du tournoi d'ouverture ne jouera sa compétition que plus de huit mois plus tard...

Ensuite se joue le tournoi de clôture. Le vainqueur se qualifie pour la Copa Libertadores... de l'année suivante, puisque celle de l'année en cours aura déjà commencé. Les clubs qui sont de deuxième à cinquième jouent les play-off avec en jeu un ticket pour la Copa Sudamericana immédiatement suivante, et rien pour le finaliste (SPV). Ah oui, mais seulement ceux qui n'ont pas déjà joué la Copa Libertadores pendant ce semestre, parce que les clubs n'ont le droit de disputer qu'une seule compétition internationale sur une même année civile. Pas non plus celui qui s'est déjà qualifié pour la Sudamericana à l'issue du tournoi d'ouverture. Et pas non plus le club qui finit meilleure équipe des deux championnats réunis, qui reçoit également une qualification d'office pour la Sudamericana. Enfin, sauf si cette équipe a déjà été qualifiée plus directement et que donc le ticket échoit à la prochaine équipe non déjà qualifiée. Tout en sachant que le gagnant de la Coupe du Chili, ou son finaliste si le premier est déjà qualifié, a lui aussi un passe-droit pour la Copa Sudamericana et vient donc perturber cette hiérarchie s'il figure dans les premières équipes.



Et donc, dans le monde magnifique du football au Chili, on peut se retrouver avec un classement final de clôture comme suit.

Colo-Colo se qualifie pour la Copa Libertadores directement. Unión Española, O'Higgins et Universidad de Chile ne peuvent disputer les barrages pour la Copa Sudamericana car ils ont déjà disputé la Libertadores 2014. Iquique non plus car elle est qualifiée depuis qu'elle a perdu la finale des play-off du tournoi d'ouverture. Huachipato est également qualifiée car elle a perdu la finale de la Coupe du Chili, précisément contre Iquique qui était déjà qualifié. Et l'Universidad Católica obtient également une classification d'office en tant que gagnant des deux championnats cumulés.
Le résultat et que les quatre équipes se disputant la liguilla (les play-off) se retrouvent ne pas être les 2ème à 5ème, mais les quatre équipes en jaune. Pour la petite histoire, c'est Cobresal, la bien nommée (cobre = cuivre) équipe de la région minière de Diego de Almagro dans le désert d'Atacama, qui a gagné les barrages. Finir dixième sur dix-huit du championnat régulier et se qualifier pour une compétition continentale : la vie est belle dans le championnat du Chili.

C'est également à l'issue du championnat de clôture que se décident les équipes qui descendent. Chaque année, les dix-septième et dix-huitième sont donc relégués en deuxième division, qui s'appelle la Primera B, et remplacés par deux équipes montantes de l'étage inférieur. "Ha ha ha, mais tu vois, c'est super simple, là !" vous entends-je déjà railler. Mais pas si vite ! Cette saison, la première division du championnat chilien va être réduite de 18 à 16 clubs. Et donc, trois clubs vont descendre alors qu'un seul ne va monter. Mais, pour ne pas être injuste envers les deux promus qui viennent tout juste de monter, la descente ne va pas être calculée sur une mais sur deux saisons, soit quatre championnats, de 2013 à 2015. Ce seront les équipes qui auront le plus petit coefficient points gagnés par match joué qui seront reléguées.

Au sein du championnat chilien évoluent des joueurs plutôt très bons, surtout à Colo-Colo qui compte dans ses rangs plusieurs internationaux chiliens dont Pedro Fuenzalida, Jean Beauséjour (dont il est très drôle d'entendre les chiliens prononcer essayer de prononcer son nom) et un certain Esteban Paredes qui du haut de ses 34 ans, aligne une moyenne de plus d'1,1 but par match depuis le championnat d'ouverture 2013. J'attends de voir si Messi ou Cristiano Ronaldo auront encore les mêmes rendements à cet âge...

Un autre point sympathique du championnat chilien est que même s'il existe un système de départage par différence de buts, de meilleure attaque ou de fair-play, pour déterminer le champion en cas d'égalité de points, pas de rififi : on joue un match d'appui, une finale de championnat où l'ambiance doit valoir le détour.

Car oui donc, les chiliens sont des fanas de foot. Voyez plutôt : quand David Trézeguet place son tir au but sur la barre en finale de la Coupe du Monde 2006...


Vous n'êtes pas obligés de regarder la vidéo, elle fait mal, vraiment.


... il pleure.

Quand le Chilien Pinilla place son énorme missile sur la barre à la dernière minute des prolongations des huitièmes de finale de la Coupe du Monde 2014...



... il se le fait TATOUER SUR LE VISAGE.

Ou alors il y a cette vidéo qui donne des regrets de n'avoir pas déjà été sur place au moment de la Coupe du Monde... Elle est prise d'une des tours de Santiago pendant le match de poule du Chili face à l'Espagne. Vous devinerez aisément ce qu'il se passe.


Enfin voilà. Vous êtes vraiment braves d'être arrivés au bout de cet article et je me félicite d'avoir d'aussi fidèles et persévérants lecteurs. Je vais désormais pouvoir vérifier tout ça de moi-même, car ce soir, le Chili joue contre le Mexique. Et bien que ce match ne compte pas pour une quelconque qualification à quoi que ce soit, je crois qu'en Amérique latine, les matchs amicaux de foot sont comme ceux du rugby : ils n'existent pas !

mercredi 27 août 2014

Pif paf peuf.

La veille au soir, j'ai appris avec une stupeur somme toute minime comment le gouvernement français venait de se faire virer, tout en me demandant quelle espèce d'influence cela pourrait bien avoir sur ma vie ici à Santiago...

Manifestement aucune sur mon programme du jour, en tout cas ! Ce matin, en route pour les contrefort des Andes en amont de Santiago, pour dévaler les pistes ! Une fois la location de matos effectuée, je monte dans le van qui nous conduira loin, et surtout haut, très haut...

Le chemin menant aux stations de ski de Santiago est absolument spectaculaire : il s'agit en fait d'une route, une seule, isolée, sans aucun chemin parallèle ou embranchement, qui parcourt les 60 kilomètres nous séparant de Valle Nevado. Il faut la voir serpenter entre toutes ces combes tout en grimpant inlassablement. Le paysage, quant à lui, est absolument grandiose.



Avec un magnifique glyphe spectral flottant dans le ciel, probablement une aberration géométrique due à des conditions de Gauss pas totalement respectées... Rghhgn gggh taupin sors de ce corps...




Après pas moins de 2h30 de route, Valle Nevado se dévoile. Eh oui ! Val Thörens aura beau jeu de dire que c'est la plus haute station de France et d'Europe avec son village à 2300 mètres d'altitude, ici je vous parle d'une station dont la base se situe à 3000 mètres et qui culmine à plus de 3600 mètres.


Valle Nevado, "la Vallée Enneigée" en français, est une des 16 stations de ski du Chili, et l'une des 5 correctes, les autres étant du niveau Col de Marcieu. On y trouve donc - attention les yeux - pas moins de 3 télésièges débrayables, pour un domaine skiable à peu près deux fois moindre que celui des Sept Laux.

Le temps de tout décharger du van et de récupérer mon forfait, je ne suis pas sur les pistes avant 11h. Le Guide du Routard n'avait donc pas menti... Cela est regrettable au vu du prix indécent de la journée, mais je suppose que cela doit être le rythme à la chilienne. Le ski au Chili en général est une activité très cuica, c'est-à-dire de riche, bien plus encore qu'en France. Il n'y a qu'à voir la mentalité des publicités sur le télésiège...

"Nous t'apprendrons toutes les tendances et les styles du ski ou du snowboard. Tu seras celui qui en sait le plus sur ce sport parmi tous tes amis."
À part ça, la neige est effectivement somptueuse. Il y a de la poudre à ne plus savoir qu'en faire. Les pistes sont larges et il n'y a personne. Pour ma première sortie ski depuis un an et demi, je pouvais difficilement espérer mieux. Malgré les skis absolument bidons que m'a refilé le gars du service de loc', je profite comme un fou.

El gringo dans toute sa splendeur.
D'aucuns sont déjà passés ici avant...
Vue du point culminant de la station, je ne sais pas quel sommet c'est mais autant vous dire que c'est à plus de 5000 mètres. Vérification. Il s'agit d'El Plomo, 5400 mètres.

Les noms des pistes sont assez différents de ce qu'on trouve en France, d'ordinaire assez centré sur les noms d'animaux. Ici, point d'Éterlou, de Marmotte ou de Dahu, en revanche on trouve du Tango, la Valle del Inca (Vallée de l'Inca), El Beso (Le Baiser), la Momie, l'Éclipse ou encore ma préférée, Ciao smog qui montre bien ce que les Santiaguinos recherchent en venant au ski.

Chose assez amusante, si prendre un télésiège est quelque chose de tout à fait banal, une fois dessus, quand on repense qu'un séisme peut survenir à tout moment, cela ajoute un peu d'adrénaline !


Les photos peinent à rendre justice à l'immensité des paysages andins.
Bref, la journée se conclut en redescendant cette interminable autant qu'improbable route. Quelle idée de venir nicher la station aussi loin, et quel boulot cela a dû et doit être de construire et d'entretenir cette route de 2500 m de dénivelé dans un pays qui se prend des séismes à tout bout de champ... Même si c'est une bonne idée. La station (ainsi que les trois autres stations de Santiago, qui la jouxtent et empruntent la même route) est située sur une sorte de plateau gigantesque parsemé de vallons, le tout à plus de 3000 mètres d'altitude. Et au moins, comme les stations sont de taille modeste et sont toutes regroupées, les sommets voisins gardent leurs versants intacts de toute colonisation humaine, si ce n'est cette trace de skieurs de randonnée, qui ont sans doute quelques bons tuyaux à nous apprendre à nous autres skieurs alpins... enfin andins !


La fin de journée embellit encore le tout.


Le virage type de la folle route qui mène aux stations. On dira que le flou représente la vitesse à laquelle le conducteur du van les prenait.

lundi 25 août 2014

Levée de brouillard.

Dimanche, les nuages sont toujours là. Il pleut sporadiquement et la température ne grimpe pas ; je commence à m'interroger sur la pertinence de mon choix de vêtements pour mon séjour, car ma valise est constituée en grande partie de T-shirts et de bermudas.

Je repense au tremblement de terre de la veille et apprends que Laetitia, actuellement aux États-Unis chez les Johnson, s'est prise elle aussi un séisme ! De même magnitude mais à 15 km de l'épicentre (celui du Chili était à plus de 100 km de Santiago), sauf qu'apparemment c'était en pleine nuit et que cela ne l'a même pas réveillée... Quelle coïncidence tout de même !

Mula m'emmène faire un tour dans le quartier, notamment jusqu'au mall, le grand centre commercial de Santiago, situé à 10 minutes à pied de chez nous. Rien à signaler à part qu'il se rapproche fortement des centres commerciaux "occidentaux", et qu'on y retrouve la plupart des grandes marques (H&M, Converse, McDonald's...). Au dernier étage, les fast-food s'alignent comme autant d'étals de marché.

Ce qui  méritera une photo quand je penserai à prendre mon appareil.

Sur le chemin du retour, nous faisons des courses : sous les yeux écarquillés de Mula, je mets dans le caddie des articles aussi sophistiqués que... des pâtes, du riz, du ketchup, des œufs. Ce n'est clairement pas lui qui va me tirer vers le haut pour la cuisine et je sais que je ne devrai compter que sur moi-même. Le défi sera permanent quand on sait que juste en bas de l'appartement m'attendent en permanence des empanadas toutes chaudes pour 1000 pesos (1€30)...

Le temps est encore trop mauvais pour rester plus longtemps en ville et je passerai le reste de l'après-midi dans la relative chaleur de mon appartement. Un petit apéro en soirée me fera retrouver Charles et Carla, en compagnie de Mateo et d'Hanane, jeunes Français et Marocaine travaillant tous deux à la Chambre, de futurs collègues. L'appartement de Mateo est au huitième étage et le séisme a dû être autrement plus impressionnant de chez lui.

Lundi 25 août au matin. Je traîne un peu dans mon lit à la faveur de ces quelques jours où je peux encore me le permettre. Cependant, en soulevant le rideau, je m'aperçois que c'est un ciel entièrement bleu et dégagé qui m'attend. Pas une seconde à perdre !

Le río Mapocho, petite rivière qui traverse Santiago d'est en ouest au pied du Parque Metropolitano.
Enfin les Andes dévoilent leurs majestueux sommets tout autour de la ville. Je me dirige vers le Parque Metropolitano, un parc situé sur une petite colline appelée San Cristobal, du nom du saint patron des voyageurs car la colline était le point de repère des conquistadors qui fondèrent et firent prospérer Santiago. Le soleil ne faiblit pas, l'air chauffe et l'appareil photo aussi.





Trouverez-vous l'erreur sur cette image ?

Au Chili, les canards ont un espèce de chapeau blanc sur la tête.
Ville, mer et montagne sur un même cliché. À l'aise.
Le Parque Metropolitano ne frappe pas par sa beauté naturelle : il s'agit moins d'un parc entretenu que d'une zone de pleine nature au milieu de la ville. Les chemins sont en fait des routes, partagées entre piétons, cyclistes et voitures... Dès que l'on cherche à s'éloigner des sentiers, ou plutôt donc des routes battues, on se retrouve sur des chemins en terre super mal indiqués et vraiment à peine plus jolis, qui en plus aujourd'hui sont rendus difficilement praticables par les récentes averses. Cependant la vue du sommet est assez splendide, sublimée par les deux derniers jours de pluie qui ont quelque peu rincé le smog ambiant. Quatre heures de marche tout de même pour faire l'aller-retour à pied de chez moi jusqu'aux hauteurs du parc dans la boue ; mes chaussures de randonnées n'auront pas été de trop.

Des quartiers nord à faire pâlir Marseille de jalousie.
Ce ne sont pas des bidonvilles, mais presque.
La vierge de saint Christophe trône au sommet de la colline du même nom.
Il est assez difficile d'évaluer la taille d'une ville comme Santiago. De tous côtés, elle s'étend à perte de vue, jusqu'à être absorbée par le nuage de pollution pourtant plus faible que d'ordinaire... À part le pied des montagnes, nulle part je ne vois de "fin", d'horizon. Il commence à être envisageable que l'on soit dans une agglomération de six millions d'habitants...

Chassez le smog naturel, il revient au galop.
L'après-midi, rendez-vous à la Chambre pour y rencontrer Augustin, mon futur manager. Il me présente à l'équipe, me fait le tour des locaux et me décrit un peu le fonctionnement du travail ici. Il me rassure à propos des problèmes de visa. Enfin, je lui demande quelques conseils pour demain. En effet, la dame du Sernatur, l'office national du tourisme chilien que je suis allé consulter ce matin, me l'a assuré : toutes les pluies tombées ce weekend étaient de la neige en station...

samedi 23 août 2014

Premiers pas mouillés.

J'ai emménagé dans l'appartement. Celui-ci est en très bon état, très lumineux grâce aux fenêtres qui couvrent toute la largeur des pièces. Je rencontre Cristian, Mula de son surnom, mon colocataire chilien de 34 ans, designer industriel pour des usines de meubles de ce que j'ai compris. Mula parle un espagnol plutôt compréhensible mais pas évident non plus pour autant. Il a pris une pause dans sa journée de travail pour venir m'ouvrir et repart donc vite, mais non sans m'avoir fait faire un petit tour de quartier pour voir les premières nécessités : boulangerie en face de l'appartement, pharmacie, bar, et également un commerce de proximité qui vend de tout, depuis les journaux et autres barres de chocolat jusqu'à la nourriture pour chat.

Car oui, nous avons un chat. ¡ Hola Ernesto !
Je profite du reste de la journée pour déballer un peu mes affaires et prendre mes marques. L'après-midi, une petite ballade s'impose jusqu'au río Mapocho. Le soir, je rencontre Charles, un Français actuellement en stage à la Chambre Franco-Chilienne, celui dont je vais prendre la relève dans une semaine. Il m'emmène dans un bar du coin pour découvrir le pisco sour (prononcer "piscosaweur"), le cocktail national, fait à base d'un alcool de raisin, le pisco, mélangé à du jus de citron, du sucre et du blanc d’œuf. Chiliens et Péruviens s'en disputent la paternité farouchement, et effectivement voici qu'arrive Carla, colocataire péruvienne de Charles. Ce n'est pas le moment de rentrer dans le débat... Toujours est-il que c'est très bon et que ce brave pisco va sans doute vite devenir un incontournable de mes soirées chiliennes !

Cap ensuite sur Bellavista. Bellavista, c'est le quartier des bars et de la vie nocturne. Situé à deux kilomètres de là, pour y aller nous prenons le...taxi ! Les taxis sont le moyen de transport le plus commode à Santiago et sont surtout suffisamment peu chers pour pouvoir se les offrir : effectivement, l'aller-retour de Providencia à Bellavista (ces noms ne laissent-ils pas rêveurs ?) nous aura coûté cinq euros, à se partager entre les trois passagers que nous étions.

Voitures noires, toits jaunes, plaques orange : les taxis pullulent à Santiago, et probablement encore plus à Providencia.
Soirée chilienne très sympathique où finalement les plus grands absents auront été... les Chiliens, car entre les deux Français et la Péruvienne que nous étions, et le Colombien qui nous a servi, on aurait pu se demander dans quel pays on était. Découverte ce soir du cocktail terremoto ("tremblement de terre"), de l'alcool assez fort servi avec un glace qui inhibe son goût et le rend donc particulièrement traître.

Le lendemain, réveil tranquille avec la tête qui tourne un peu. Devant ma tête en pétards, je décide de la nécessité de prendre une douche. Mula m'a certifié et démontré hier que celle-ci marchait, et c'est donc en pleine confiance que je m'avance dans cette salle de bains dont la fenêtre ne se ferme pas (super quand la température extérieure est plus basse que 10°C !). Mais après mon premier savonnage, impossible de ré-obtenir de l'eau chaude : celle-ci s'obstine à rester froide GELÉE du genre ruisseau descendant tout droit de son glacier. Il est neuf heures du matin, je suis couvert de savon, l'eau est à une température décemment inimaginable, la chaudière ne marche pas et Mula dort à poings fermés : je suis perplexe. Finalement après moult tergiversations je réussis à faire fonctionner la chaudière, et alternant tant bien que mal entre eau à 50 °C et eau à 5 °C, je me lavai proprement, au point d'en faire un pléonasme.

Petit bilan. Je viens de boucler 24 heures sur le sol chilien. J'ai mangé au Chili, j'ai bu au Chili, j'ai dormi au Chili, je me suis lavé au Chili, et j'ai survécu au Chili. Je descends me prendre une petite empanada pour fêter ça.

Hier, il faisait moche ; aujourd'hui, il pleut. Avec tous ces nuages je n'ai toujours pas vu la fameuse Cordillère des Andes depuis Santiago ; à peine l'ai-je entraperçue dans le taxi entre l'aéroport et la ville.

Santiago sous la pluie. Je suis assez fan des deux palmiers juste en face de ma chambre.
Je rejoins Charles qui m'explique qu'à Santiago les pluies sont tellement rares qu'il n'y a quasiment pas de système d'évacuation d'eau. Effectivement, une demi-heure après le début des pluies, les canalisations débordent déjà et répandent de merveilleuses odeurs de par les rues. Nous trouvons refuge à la Fuente Alemana, un restaurant gastronomique "typiquement chilien" en débit de son nom, indiqué par Charles.

Voilà ce que devrait être un Big Mac si Mac Donald's respectait les proportions de ses publicités dans ses restaurants.
Donc oui, c'est un énorme burger, avec plein de bouts de bœuf, de la sauce à l'avocat et de la mayo. L'avocat étant déjà à la base le légume le plus gras ou pas loin. En fait, aux dires de Charles, la moitié des Chiliens sont gros et c'est simplement parce qu'ils mangent n'importe quoi, comme ce brillant dégoulinant exemple. Le restaurant n'est constitué que d'une unique pièce partagée entre la cuisine et les clients : il est donc possible de s'asseoir face aux cuistots et de les voir mettre une énorme louche de mayonnaise sur leurs pains avant de réaliser que le sandwich en préparation est le même que le sien.

J'aurais bien visité le centre de Santiago cette après-midi mais le temps ne s'y prête guère ; Charles devant travailler son mémoire de fin d'études, je rentre à l'appartement où Mula n'est toujours pas levé à 15h et passe l'après-midi sur l'ordinateur en en profitant pour donner quelques nouvelles aux amigos restés en France.

Un rayon de soleil dans une journée bien pluvieuse.
En début de soirée, des vibrations secouent un peu le lit. Je commence à m'étonner que le voisin du dessus fasse à ce point trembler les murs en faisant son sport quand...


Là c'est trop fort pour être un simple coco qui fait ses exercices à fond. C'est un tremblement de terre qui est en train de passer ! Ouah. Ça dure 6 ou 7 secondes et ça secoue pas mal. Je partage ma stupeur avec mes interlocuteurs Facebook du moment. En ville, aucun dégât, quelques voitures ont klaxonné mais c'est tout. Normal. Après investigation, il s’avérera que le séisme était d'une magnitude de 6,4 sur l'échelle de Richter, ressenti autour de 5 à Santiago. Finalement, le terremoto d'hier soir était précurseur... Mon coloc sort de sa chambre pour la première fois de la journée et me dit : "Deuxième jour au Chili, et premier tremblement de terre ! T'es un veinard, toi." Bienvenue au Chili.